Sens de visite : comment l'appréhender?

J'ai décidé de rédiger ce petit article après avoir lu cet article sur le Mémorial de Caen qui utilise des capteurs pour étudier les déplacements de ses visiteurs. "Oh! Horreur!!" : telle a été ma réaction. Après un moment de stupeur, je décide de twitter ce message, accompagné d'une petite remarque assassine : « Mais que deviennent les sociologues alors??? ».

Pourquoi cette réaction me direz-vous? Après tout, personne ne peut savoir à l'avance comment va se déplacer un visiteur lambda dans une salle de musée... et bien, que nenni! Pourquoi faire appel à la technologie alors que nous avons de jeunes diplômés (ou moins jeunes !) qui maîtrisent cette science que l’on appelle « sociologie des publics » ? Ah je retrouve là mon cheval de bataille : la technologie, oui, mais pas à tout va ! (Surtout quand il y a autant de gens compétent sans emploi…). Laissez-moi donc vous conter l’histoire du comportement des visiteurs…

Eliséo Veron et Martine Levasseur, deux sociologues, publient en 1983 le livre « Ethnographie de l’exposition : l’espace, le corps et le sens » (Aujourd’hui épuisé, et cela est bien dommage. Si quelqu'un ne l'utilise plus, je suis preneuse! ), ils étudient ce qu’on appelle la sémiotique non verbale (= ce que le corps exprime).

Pour faire court et sans s’éloigner du sujet :

Il existe 4 stratégies d’appropriation de l’espace, donc 4 types de visiteurs :

• Le visiteur « fourmi » : sa visite est longue et linéaire. Il va suivre le parcours indiqué, et s’arrêter devant chaque objet, rasant le plus possible les murs. Pas de balade, que du cognitif ! Sa visite dans une salle particulière n’est pas intentionnelle : c’est le sens de visite qui l’y a conduit.
• Le visiteur « papillon » : sa visite est exhaustive et sous forme de zig-zag. Il a une vision globale de l’exposition. Sa visite est sélective : il vient pour voir une chose en particulier, le reste n’a que peu d’intérêt.
• Le visiteur « sauterelle» : son intérêt est moindre, sa visite est chaotique. Il va bondir d’objets en objets, les choisissant au hasard. Il est plutôt stimulé et guidé par les attraits des dispositifs. Il est là pour passer agréablement le temps ou par curiosité.
• Le visiteur « poisson » : sa visite est la plus courte. Il est très méfiant vis-à-vis de l’art, ou bien indifférent. Il arpente rapidement les salles, fixant parfois son regard sur un objet ou deux.

Conclusion :

Lorsque l’on souhaite mettre en place un parcours de visite, on doit non seulement tenir compte des éléments habituels (sens de lecture occidental, aller du connu au moins connu, et du familier à l’étrange), mais aussi des comportements des futurs visiteurs. Ainsi, les panneaux de textes, les socles, les tableaux, rien ne devra être complètement linéaire sans pour autant entraver la vision globale de la salle.

La seule façon de savoir comment vont se comporter les visiteurs, c’est l’empirisme. Et à mon sens, le meilleur indicateur ce n’est pas un capteur, mais bel et bien le facteur humain, à travers l’expérience du contact des surveillants de salle. Après tout, ce sont eux qui sont en relation non stop avec les visiteurs ! Une petite formation d’une heure leur permettra de reconnaître et noter les différents comportements, afin que leur supérieur en tire les analyses nécessaires aux éventuelles modifications du parcours...

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